Enseigner la compréhension

Voici un article un peu long, parce que je voulais partager avec vous mes principes, une progression avec les traces écrites, et des pistes de travail sur l’enseignement explicite de la compréhension en lecture. C’est est une activité très importante pour les élèves mais pour laquelle on trouve encore peu de supports. Certains auteurs (comme Goigoux et Cèbe) et des bloggeuses de talent proposent des modèles associés à des textes particuliers. Moi, j’aime pouvoir partir du vécu et des thèmes de la classe, et donc j’avais besoin d’une démarche et d’une programmation détachées des supports. A la fin de l’article, je vous propose mes pistes pour l’entrainement autonome.

Principes didactiques : 

  • un enseignement lié à la vie de la classe : je préfère ne pas programmer les albums à l’avance, j’aime lier avec les autres disciplines et la vie de la classe
  • un enseignement basé sur des textes forts et affectifs : je suis les travaux entre autres de Boimare et Montessori, pour qui les textes choisis doivent aussi aider les enfants à grandir
  • un enseignement explicite : les élèves, surtout s’ils sont en difficulté, ont besoin qu’on leur explicite les procédures de compréhension invisibles à leurs yeux…
  • un enseignement progressif : les différentes compétences sont abordées une par une, même si elles sont fréquemment réutilisées
  • un enseignement très lié à l’enseignement de l’oral : pour les enfants qui débutent en lecture, cet enseignement de la compréhension doit pouvoir se faire sur des textes entendus et avec beaucoup d’interactions orales.

Progression pour le CP/CE1 :

Voici ma liste des procédures à enseigner au CP/CE1, dans un ordre progressif :

1 J’identifie les éléments du récit : le lieu, le temps, les personnages.
2 Je contrôle ma compréhension. Si je ne comprends pas, je relis.
3 Si je ne comprends pas un mot, je peux imaginer son sens grâce au contexte.
4 Je m’aide des petits mots pour comprendre le déroulement : ensuite, après, donc
5 J’essaie de comprendre les réactions des personnages.
6 Je fais le film de l’histoire dans ma tête (images mentales).
7 Je fais des pauses et j’essaie d’imaginer la suite de l’histoire.
8 J’essaie de comprendre ce que l’auteur ne dit pas, en cherchant des indices dans le texte.
9 Je n’oublie pas de « lire » les illustrations, il y a aussi des indices importants.
10 A la fin de l’histoire, je repense au début pour voir ce qui a changé.
11 Quand un personnage n’est pas nommé, je vérifie que j’ai bien compris de qui il s’agit.
12 Dans les dialogues, je vérifie que j’ai bien compris qui parle ou bien de quoi on parle.

Vous pourrez trouver mes programmations aussi sur le site ici ou .

Traces écrites : 
Chaque travail explicite fait l’objet d’une trace écrite d’abord collective, à partir des images du livre :

Puis, je distribue une trace écrite individuelle : 

Je vous propose de télécharger mes traces écrites : elles sont basées sur les lectures faites en classe, donc souvent sur des contes ou des albums.

J’avais également pensé à un document récapitulatif et accumulatif, pré rempli ou à remplir, pour garder une trace des stratégies à mettre en oeuvre, et à l’affichage qui va avec :

Séquence-type

Je vous propose ici une séquence type pour un enseignement explicite de la compréhension d’un texte narratif, très inspirée du travail de Goigoux et Cèbe, à adapter au livre choisi :

L’entrainement autonome :

Pour permettre aux élèves d’entrainer ces stratégies de compréhension, je souhaite profiter des moments de travail autonome, inspirés des principes montessoriens et des recherches canadiennes. Voici les ateliers utilisés :

  •  Les billets d’ordres sont très utiles dans les débuts du cycle, pour enseigner la compréhension en lien avec le décodage, l’enfant devant agir et donc contrôler qu’il a bien compris ce qu’il a lu. Maria Montessori avait bâti une progression à partir du vocabulaire (par exemple Va poser un stylo sur la chaise. Va poser un stylo sous la chaise. Va poser un stylo devant la chaise.) ou des structures de phrases.

 

  •  Des exercices demandant de tracer ou de colorier un dessin en respectant les consignes, comme on peut en trouver ici ou .

 

  •  L’entrainement spécifique de compréhension, après l’étude d’une stratégie. Par exemple, après le travail sur les lieux de l’histoire, on peut proposer des petits textes dans lesquels il s’agit de repérer les lieux, qui sont clairement identifiés puis juste inférés (Maman pousse son caddie. Elle le remplit avec du fromage, du pain… Puis elle passe à la caisse. Où se trouve-t-elle ?). Je proposais un petit fichier avec quelques entrainements au contrôle de sa compréhension, au suivi des anaphores et aux inférences.

 

  •  Les élèves peuvent exercer les stratégies étudiées en lisant des livres de la bibliothèque de leur niveau, puis en remplissant une fiche par livre. Par exemple, si on a travaillé sur les pensées des personnages, la fiche demandera d’identifier ces pensées au début et à la fin et d’expliquer pourquoi il y a eu un changement, et sera utilisable quel que soit le livre.

 

  •  L’usage de matériel d’enregistrement peut être très utile : on sait que l’une des méthodes très efficace pour rendre l’élève actif est de lui demander de résumer l’histoire lue ou entendue. On peut donc lui proposer d’enregistrer son résumé après lecture ou après écoute.

 

  • L’écoute autonome : pour les élèves les plus fragiles, l’entrainement à la compréhension ne peut pas se faire à partir de leurs lectures. Un coin écoute dans la classe avec des livres à écouter leur permet d’entendre et de réécouter des histoires, enregistrées par exemple chez ilétaitunehistoire.

 

  • Lors des temps de bilan de fin d’ateliers, les élèves peuvent rapidement présenter un livre ou une histoire, en le résumant succinctement et en verbalisant les stratégies utilisées.

Enfin, je vous partage mon document complet avec références théoriques, compétences des programmes, séquences, progressions : 

 

Et si vous voulez en savoir plus, cet article fait partie d’un rallye-liens dans la tanière de Kyban : allez y jeter un oeil :

Comments

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26 thoughts on “Enseigner la compréhension

  1. Bonsoir!
    Je découvre ton blog et wahou quel boulot! Je vois que les mêmes questions nous animent puisque j’ai moi-même publié un article sur mon blog naissant à propos du même sujet, si ça t’intéresse.. Merci pour ce travail et toutes les explications que tu donnes, c’est super riche!
    Au plaisir d’échanger

  2. Merci pour ton petit mot par ici… Je suis allée faire un petit tour sur ton blog, et je te souhaite plein de bonnes choses pour cette aventure. A bientôt sur la toile !

  3. ouaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaouuuuuuuuuuuuuuuuuuuuu!!! j’arrive de chez lala dont tu es le coup de coeur!! quel travail! la comprehension c’est tellement vaste! je prends je prends!

  4. Décidément j’adore! Ta trame de séquence-type me plait énormément ! ça ressemble beaucoup à ce que je mets aussi en place, en plus clair et mieux présenté 🙂
    Je viens aussi de publier un article sur mes progressions et j’aime l’idée de ta liste progressive de procédures ainsi que l’importance que tu accordes aux phases orales..
    C’est vraiment super tout ça, merci!

  5. Merci pour cette réflexion intéressante ! J’ai des CE2 mais je retrouve certains éléments communs. Les dialogues ou les pronoms/groupes nominaux faisant référence à des personnages sont vraiment difficiles à travailler je trouve.

    1. Merci pour vos messages… Le travail sur les personnages, les anaphores et les discours rapportés mériteraient certainement une progression à eux seuls, c’est vrai !

  6. Bonjour Grainesdelivres! Tout d’abord un grand bravo pour tout ce travail! Je dois avouer que cela m’aide à y voir un peu plus clair! Une petite question: j’imagine qu’une partie de ces procédures est travaillée au gré des rencontres, mais aurais-tu des textes ou ouvrages à conseiller qui seraient particulièrement riches pour les aborder?
    Un bel été à toi et encore merci!

    1. Bonjour Bobo, il me semble que si tu veux un travail bien guidé et riche, tu peux t’orienter vers les ouvrages de Goigoux et Cèbe, qui proposent des textes supports et leur exploitation. C’est une bonne façon de démarrer l’enseignement des procédures. Après les avoir utilisés, on peut plus facilement travailler à partir d’autres textes, mais en les programmant tout de même ! Bonne rentrée !

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