En me promenant dans un magasin de jouets cette semaine, j’ai été surprise de voir une tête de gondole intitulée « Montessori« , avec des jeux en bois et des coffrets pédagogiques. Après réflexion, je ne suis pas vraiment surprise en fait, tant le nom de cette éducatrice italienne revient en force en ce moment. L’étonnant, c’est qu’il revienne en force pas tant auprès des enseignants qu’auprès des parents. Les professeurs, souvent, connaissent mal sa pédagogie, les stagiaires que je rencontre n’en n’ont souvent jamais entendu parlé.
Comme je parle moi aussi de Montessori sur ce blog, je me dis qu’il est important d’expliquer pourquoi.
Pour moi, Montessori était associé à une sorte de perfection pédagogique. Quand j’étais petite, des amis de mes parents avaient des enfants dans l’une des seules écoles montessoriennes sous contrat avec l’état dans le nord de la France, et j’entendais pointer leurs résultats, leur avance, suivi de « mais ça ne peut marcher que dans une école Montessori ». Montessori, c’était bien, mais c’était pour les autres.
Plus tard, après plusieurs années de pratique, j’ai cherché des pistes pédagogiques me permettant de respecter le rythme des enfants, de différencier vraiment. Montessori est revenue dans mon esprit, mais cette fois je suis allée voir ce qu’elle proposait vraiment. Je voulais comprendre pourquoi c’était si rare si c’était si bien, et pourquoi ça ne se trouvait pas plus souvent dans les écoles publiques « normales ».
Alors j’ai lu ses textes, j’ai lu des livres d’autres qui en parlaient, j’ai testé des éléments dans ma classe, du matériel, des procédures, … et je commence à y voir plus clair et à pouvoir tirer un petit bilan.
D’abord j’ai pu commencer à m’expliquer le fossé creusé entre Montessori et l’école française : d’une part, c’est une catholique fervente, qui veut élever l’âme de l’enfant ; ses textes sont truffés de références bibliques, qui sont parfois pour elle une caution de son travail. Bien sûr qu’on peut rendre sa pédagogie laïque, mais que son propos ait été difficile à lire par certains dans le cadre de notre Education Nationale, cela peut se comprendre. D’autre part, différents auteurs pointent que l’association mondiale Montessori, pour ne pas dévoyer sa pensée, tient absolument à délivrer elle-même toutes les formations et ne « labélise » que les écoles entièrement basée sur la pensée de cette auteure. Pas de dévoiement, certes… mais pas d’adaptations non plus. Et cela implique des formations très chères, uniquement privées. Par exemple il y a uniquement 3 écoles Montessori sous contrat en France, les autres étant hors-contrat car leur personnel n’est formé que par eux-mêmes, et donc leur accès est paradoxalement réservé aux familles informées et aisées.
Cependant, bien des aspects de la pédagogie de Montessori m’ont paru d’une approche intéressante. Alors, j’ai semé des petites graines de Montessori dans ma classe, et certaines commencent à bien pousser. Il faut le dire aussi, des adaptations me paraissent nécessaires, pas seulement pour élaguer ses idées et les faire rentrer dans l’architecture de l’Education Nationale, mais aussi parce que le monde et les enfants ont évolué, et que d’autres pédagogues ont eu d’autres idées intéressantes. Une pédagogie doit conserver une cohérence, et je m’efforce de chercher cette cohérence, de mettre en place des articulations dans le système que je tente de mettre en place dans ma classe. De rester en équilibre surtout, entre les besoins de mes élèves et mon besoin de pilotage… C’est cette tension permanente, qui pour moi n’est jamais réglée de manière définitive (je dirais même qu’il est dangereux de croire qu’on l’a réglée de manière définitive), qui me semble au coeur de notre métier d’enseignant, et qui en fait tout à la fois sa richesse et sa difficulté.
Je vous propose ici juste une liste de ces petites graines de Montessori. Je l’enrichirai certainement, soit par d’autres graines, soit par des articles plus complets sur un sujet :
– l’entrée qui semble la plus simple : le matériel. En premier lieu, le matériel de numération, où comment découvrir une géniale idée de cette grande dame : réinventer l’apprentissage kinesthésique en associant un geste à un concept, et rendre l’enfant physiquement actif. C’est devenu pour moi fondamental, surtout face aux élèves trop actifs ou trop passifs : leur donner à faire.
– toujours du côté du matériel, le côté autocorrectif : là, j’ai été obligée de changer un peu de posture, de lâcher le contrôle, de faire confiance à l’enfant. Bien avant Astolfi, Montessori donne un autre statut à l’erreur, on dédramatise, on laisse essayer tant que besoin, on comprend que l’enfant qui « triche » en regardant la solution apprend aussi, mais d’une autre manière…
– le libre choix des activités : là encore, il s’agit de lâcher encore un peu plus la posture de contrôle, de s’installer en posture d’accompagnant. Et petit à petit, je me suis aperçue que les enfants essaient, ils ont envie d’apprendre, d’aller faire les ateliers. J’ai lâché le plan de travail préparé soigneusement pour une préparation très soigneuse du milieu, des activités. Et puis cela permet aux élèves de manipuler même s’il n’y a pas beaucoup de matériel, chacun leur tour, et surtout, surtout, d’avancer à leur rythme.
– l’ambiance (c’est ainsi que la nomme Montessori) : elle insiste beaucoup sur le silence, le calme, la concentration des enfants, la bienveillance (elle dit la grâce) de l’enseignante… J’y ai compris l’importance d’enseigner ces compétences, sans les voir uniquement comme un préalable aux apprentissages, tout en respectant infiniment la personne de l’enfant.
Sur ce blog, vous pourrez trouver des ressources faites dans cette optique, avec modestie et avec l’idée que tout cela évolue sans cesse. Sur le net, d’autres blogs témoignent d’expériences un peu similaires : j’aime aller y trouver des idées, lire leur cheminement, m’en inspirer, les confronter à mes idées :
Très joli article, merci!
Merci pour cet article, très bien écrit ! Je me retrouve totalement dans tes propos, et oui, depuis la rentrée, je sème les mêmes graines dans ma classe, ça demande pas mal de préparation et de réadaptation du matériel (pour rendre auto-correctif du matériel qui ne l’était pas à la base notamment), mais ça vaut le coup ! 🙂
Des bises !
Merci à toutes les 2… Titline, je te rejoins sur le travail d’adaptation et de préparation du matériel et de la classe, c’est une autre façon d’envisager sa préparation de classe.. Je suivrai tes petites pousses avec plaisir, et d’autant plus que ça fait du bien d’échanger et de partager avec des collègues qui sèment…
merci pour cet article et ces liens !! bon dimanche !!
Merci pour cet article. Cela fait du bien de savoir que l’on est plusieurs à semer des graines!
Profitez de votre cycle 2, c’est l’âge parfait pour faire cette démarche!
Merci aussi pour le lien vers mon blog où je répondrai à vos questions si je peux vous aider.
Bon dimanche
Une pédagogie qui m’attire chaque jour un peu plus 🙂 Merci pour ton bel article !
Merci pour vos commentaires…
ECAM, je vais très souvent voir par chez toi, j’aime y retrouver les photos des ateliers et des repères de progression… et aussi voir que c’est possible. Alors à bientôt !
Belles propositions! Ca donne à réfléchir merci Graines de livres
Au plus je découvre, au plus je l’apprécie. Tout comme toi, je sème de petites choses de temps à autre que j’adapte.
Une phrase m’a particulièrement accrochée: « Il ne faut pas se demander comment elle a fait, mais bien se demander comment elle aurait fait aujourd’hui ».
Je me suis posée beaucoup de questions. Comment rendre cette pédagogie vraiment efficace avec des enfants déficients?
Elle dit dans ses écrits qu’il faut les stimuler là où les enfants non-déficients travaillent seuls.
J’ai encore à lire. Quel est le livre qui t’a le plus aidée?
Merci pour cet article?
Merci PauletteTrottinette et Zazou de vos petits mots…
Zazou, je ne me suis pas trop posée ces questions au sujet des enfants déficients. Pour moi, l’adaptation est surtout de permettre à mes élèves d’avancer à leur rythme, et de manipuler. Pour répondre à ta dernière question, ce n’est pas facile : dans Quand l’école s’adapte aux enfants, la vision globale est vraiment géniale et centrée sur les élèves différents, mais ce n’est pas un livre pédagogique. Sinon, c’est Pédagogie scientifique qui explique le mieux la démarche, mais c’est long et pas toujours simple d’abord (il faut dire que j’avais emprunté au Canopé un exemplaire des années 50…). Je ne sais pas si je t’aide beaucoup…
Oui, tu m’aides! Je lis la pédagogie scientifique…En ce moment. D’accord avec toi!
Je me pose trop de questions… En effet!
Je note le titre que tu me donnes. Il y a tant à lire… Je voudrais choisir les bons livres. Vive le partage!
Merci pour ces conseils.
Merci pour cet article que j’ai lu avec grand intérêt.
Je tente aussi d’approcher, par bribes, des enseignements à la manière de Montessori, sous forme d’ateliers…
Bonnes vacances et à bientôt.